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Les derniers passages de Vénus (2) - Expéditions de l'abbé Chappe
[La Nature, 1874 (1), pp. 374-375]
LES VOYAGES DE L'ABBÉ CHAPPE D'AUTEROCHE.
1. En Sibérie
Un peu avant le passage de 1761, l'Académie des sciences de Saint-Pétersbourg avait demandé à l'Académie des sciences de Paris de lui donner un de ses astronomes pour observer les phénomènes en Russie, sous les auspices de l'impératrice Catherine la Grande. La compagnie désigna l'abbé Chappe d'Auteroche, un de ses plus jeunes membres, et lui donna pour mission de faire les observations à Tobolsk, ville très-éloignée mais favorablement placée pour appliquer la méthode de Delille.
Chappe quitta Paris à la lin de 1760 et arriva assez facilement à Saint-Pétersbourg, alors très-accessible et où beaucoup de savants français s'étaient déjà rendus, ou devaient successivement se rendre.
Mais il n'en était pas de même de la route de Saint-Pétersbourg à Tobolsk, qui fut très-difficile à faire et ne dura pas moins de cinq mois. C'est seulement le 10 avril que l'astronome français arriva à sa station. Il n'avait pas même deux mois pour se préparer au passage.
Le 6 juin, le soleil se leva au milieu d'un épais rideau de nuages qu'un vent d'est chassa vers le couchant et qui se dissipa un peu après le commencement du phénomène. Chappe d'Auteroche ne perdit que le premier contact extérieur et put voir toutes les autres phases du phénomène par un ciel magnifique.
C'est peut-être à cette pureté de l'air que l'astronome français doit d'avoir aperçu le disque complet de Vénus au moment où la portion antérieure était la seule qui se projetât sur l'astre. Le phénomène inverse se produisit lors de la dernière phase. La partie de la planète qui était déjà sortie continua à se montrer. Dans les deux cas le croissant complémentaire était éclairé d'une lumière vive teinte en jaune paille à l'endroit où il se soudait avec la partie obscure.
Des phénomènes analogues furent constatés par Vargenlin, Fouchy, Desmarest, Bergman, Lemonier, etc., etc., à Bordeaux, à la Muette, à Saint-Hubert et dans d'autres lieux très-distants les uns des autres.
L'observation de l'astronome français n'eut qu'un adversaire, ce fut la Sémiramis du Nord.
L'abbé Chappe d'Auteroche publia, en deux volumes, la relation de son voyage, où il se permit des appréciations peu favorables sur le gouvernement russe. Il se moqua notamment des mœurs des habitants et de celles du clergé grec.
L'impératrice, pour se venger, publia à Amsterdam un ouvrage en deux volumes intitulé Antidote ou Réfutation du mauvais livre superbement intitulé Récit d'un voyage fait en Sibérie par ordre du roi, etc., etc. Nous croyons devoir donnera nos lecteurs le récit de l'observation du passage de Vénus, tracé par Sa Majesté impériale.
« En sondant le ciel et la terre, il avait oublié l'essentiel, c'est-à-dire sa grande lunette de dix-neuf pièces, pesant deux cent quarante livres. Enfin on le persuada de tirer ce tube de la caisse. On l'arrangea, il se plie. L'Académicien ouvre de grands yeux et reste stupéfait de ce qu'il n'avait pas prévu qu'un métal aussi pliant que le cuivre rouge, même quand il ne serait pas aussi pesant, devait se courber sur une longueur pareille. S'il avait eu la moindre expérience, comment ne pas préférer le laiton ou le fer-blanc; on lui conseilla de le faire. Le lendemain on remua ciel et terre pour avoir quelques ouvriers en laiton ou en fer-blanc. A la fin, on trouva dans les prisons de Tobolsk une ferblantière, qui y était pour crime. Celle-ci mit l'abbé en état de perpétuer son nom, parmi les observateurs du passage de Vénus sur le disque du soleil. Son observatoire n'était pas à un quart de lieue de la ville, mais sur un bastion de la forteresse. Il y avait invité la ville et les faubourgs. Il y vint effectivement tant de monde que ce sera une merveille si son observation est juste. Car pendant tout le temps qu'elle dura, l'abbé observait, criait au marqueur, raisonnait avec les assistants, répondait aux questions qu'on lui faisait, riait avec les rieurs, faisait la cour aux dames et disputait avec M. Pauloutski sur l'apocalypse et sur la fin du monde. »
Cette diatribe écrite avec verve est extraite par Sa Majesté impériale d'une lettre, vraie ou fausse, reçue de Tobolsk "sur le séjour de sa seigneurie d'Auteroche" dans la capitale de la Sibérie.
En 1769, l'abbé Chappe d'Auteroche ne pouvait songer à revenir dans les stations septentrionales. Il avait l'intention de se rendre dans l'hémisphère austral où nous avons vu que Cook et Green s'était rendus. Il avait jeté son dévolu sur les îles Salomon.
Malheureusement pour les projets de l'abbé, la cour d'Espagne était à peu près la seule à entretenir des relations commerciales avec les mers du Sud. Charles III, malgré son libéralisme, ne voulut point favoriser les voyages d'un savant indiscret, dont sa sœur Catherine avait eu à se plaindre. En conséquence, on se borna à autoriser les observations pour la Californie, pays à peu près inconnu, et considéré alors comme presque entièrement sauvage.
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