Musique vocale religieuse au Moyen-âge
Après un tour d'horizon des formes de musique instrumentale (voir la liste des chapitres précédents -clic-), mon cahier d'écolier sur "l'Histoire de la Musique" nous ramène au commencement de la musique codifiée dans un nouveau chapitre sur la musique vocale religieuse du Moyen-âge. Le texte est augmenté par des liens vers les auditions des oeuvres et vers la biographie des auteurs cités dans le texte : les noms des auteurs mènent sur Wikipédia et les titres des oeuvres conduisent sur Youtube (*).
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1. Le chant grégorien (*)
1.1 Origines (*)
- Dès la période christique, on trouve les chants hébraïques. Les disciples se répandent dans le monde apportant avec eux ce fond de chants religieux. Les chants se transforment au contact des diverses civilisations.
- Après quelques générations, l'église est menacée par les différences d'interprétation. Les papes ont essayé de réagir en unifiant ces chants, en particulier Grégoire 1er dit "Le Grand". Ce dernier regroupa les chants des divers pays et essaya de leur donner des caractères communs. Pour cela il créa une école, la Schola Cantorum, où il forma des "techniciens" chargés d'adapter et de créer les chants.
- Nous sommes au sixième siècle. Les chants sont groupés dans l'Antiphonaire romain [à voir également l'antiphonal romane].
- Jusqu'au huitième siècle, il n'y a pas eu de changement. Mais c'est à cette période qu'on esseya d'adjoindre une voix d'accompagnement, produisant l'organum primitif ou parallèle (deux voix parallèles séparées d'un intervalle de quarte ou de quinte). C'est le début de la polyphonie. Seule l'Angleterre refusa de chanter ainsi.
- Vers le onzième siècle apparaît l'organum duplum. Le déchant de l'organum primitif devient le duplum. Le chant grégorien est étiré et joué à l'orgue : le teneur ou ténor. La polyphonie prédomine.
- Vers le dix-septième siècle, les cérémonies religieuse prennent l'allure de véritables concerts, loin du chant grégorien.
- Au dix-neuvième siècle, le chant grégorien est tiré de l'oubli par les moines de l'abbaye de Solesmes, spécialistes du chant [voir leur page sur les formes musicales du chant grégorien].
1.2 Caractères du chant grégorien
C'est un chant liturgique - une prière chantée qui fait vraiment partie des pratiques de l'église - caractérisée par :
• un art collectif
• des chants qui se chantent par des hommes à l'unisson
• une mélodie plane ou plain-chant
• un rythme souple (pas de valeur précise des notes)
• pas d'altérations; seulement le Si bémol appelé "le bémol".
1.3 Notation
• on a d'abord un texte écrit en latin avec, au-dessus, des signes appelés *neumes* qui indiquent la hauteur relative du chant.
• puis on a l'idée de tracer un ligne rouge horizontale, le fa, et de placer les neumes de part et d'autre
• au quinzième siècle on a alors une portée à 4 lignes
1.4 Les Modes (*)
• Il existait quatre modes principaux et quatre sous-modes. Ce sont des gammes sans altération. Le fait de passer d'un mode à l'autre change donc l'air de base.
• Les modes et les sous-modes diffèrent entre eux par la place des tons et demi-tons et ils possèdent chacun leur propre expression.
- Premier mode. protus - mode de Ré : tranquillité, recueillement, contemplation.
- Deuxième mode. deutérus - mode de Mi : extase, douceur divine.
- Troisième mode. tritus - mode de Fa : légèreté, fraîcheur.
- Quatrième mode. tétrardus - mode de Sol : triomphe, grandes envolées, certitudes.
Audition : organum parallèle.
Audition : organum duplum de Léonin.
Audition : organum triplum de Pérotin.
2. Naissance de la polyphonie (*)
2.1 L'organum (*)
- Vers l'an 900 : organum primitif (ou organum parallèle). Le chant grégorien est accompagné par un déchant situé une quarte ou une quinte au-dessous (la tierce est interdite par l'Église). Le début et la fin se font à l'unisson.
- Au 11ème siècle, en particulier à l'école de l'abbaye Saint-Martial de Limoges, apparaît l'organum mélismatique. Le chant grégorien passe au-dessous en notes très étirées (il porte alors le nom de teneur ou ténor) pendant que le déchant, devenu le duplum, fait de nombreux mélismes et est un véritable chant rythmé syllabique.
2.2 Maîtrise de Notre-Dame de Paris (*)
- Sous la conduite de Léonin (fin du 12e siècle), la Maîtrise de Notre-Dame, devenue le centre mondial de la musique chrétienne, recueille l'organum sous sa forme évoluée. Dans cet organum parisien, des parties très libres alternent avec des parties strictement rythmées. Cette liberté permet le lyrisme.
- Pérotin le Grand, organiste de Notre-Dame de Paris, vers 1200, continue l'oeuvre de Léonin. Il enrichit l'organum avec le triplum egt le quadruplum produisant moins de lyrisme, mais plus de solennité mystique.
- Le motet. Dérivé directement de l'organum, le motet va devenir la forme principale de musique polyphonique aux 13ème et 14ème siècles. Le plus souvent à trois voix, il conserve le ténor grégorien, souvent joué par un instrument, le motétus (2ème partie) et le triplum chantant des mots différents.
Audition : motets des origines (anonymes)
Audition : motets de Guillaume de Machaut.
2.3 En Angleterre
Contrairement à la règle de l'Église catholique romaine, la tierce et la sixte sont des intervalles admis.
Deux formes musicales sont employées:
- le gymel : chant grégorien avec seconde voix à la tierce.
- le faux-bourdon : chant grégorien avec deuxième voix à la tierce et une troisème voix à la quinte inférieure chantée en faux-bourdon.
Audition : gymel en tierces supérieures (anonymes)
Audition : gymel en tierces inférieures (anonymes)
Audition : le faux-bourdon (anonymes)
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L'original aux feuilles jaunies par le temps (7 pages)
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À suivre... l'Ars nova au Moyen-âge
2 commentaires
Merci, Jacques, pour cette leçon de musique spirituelle aux sources de la musique classique. Beaucoup de vocabulaire à apprendre auquel seuls les spécialistes sont coutumiers (j’en suis pas).
Je connais pas mal de gens qui se sont écartés, ou qui sont restés à l’écart de la religion, mais qui sont très émus à l’audition de ces chants polyphoniques qui soulèvent (encore un peu et ils pourraient léviter!).
On peut regretter quand même:
- l’exclusion des voix de femmes, même s’il y a eu a quelques audacieuses et heureuses incartades (il faut écouter le groupe Sequentia chanter les compositions médiévales de Hildegarde von Bingen)
- la rigidité des autorités religieuse pour certaines formes musicales
- ces Anglais qui, déjà, prennent le pli de ne pas faire pareil que les continentaux (mais faut-il le regretter?)
Jacques Laschet : tu as raison, ce chapitre utilise un vocabulaire musical moins courant que celui des précédents, et sans doute un peu déroutant pour celles et ceux qui, comme moi, ont appris le peu de mots de latin qu’ils pensent connaître dans les pages roses du dictionnaire. Mais finalement ce nouveau vocabulaire est assez limité. Il n’y a que quelques mots tout au plus à assimiler et retenir. Je suis de ceux qui ont été initialement tenus à l’écart de la religion, comme tu dis, puis qui ont trouvé des raisons de garder leurs distances, et je partage ton opinion selon laquelle cela n’empêche en rien d’être ému à l’écoute de ces chants à la polyphonie encore limitée (on est encore loin des fugues de Bach). J’ai ajouté avec le plaisir de me penser iconoclaste, je l’avoue, le gymel en tierces inférieures interprété par des femmes. Je me surprends à aimer les anglais quand ils prennent le contre-pied des papes !
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