Oui, c'est ça : "utérine", adjectif au féminin signifiant relatif à l'utérus, organe féminin s'il en est. Non, ce n'est pas le début d'un roman qui raconterait les états d'âme de personnages appartenant à la gent utérine et de surcroît de la même famille. Attendez. Je vous explique. En fait, comme le savent la plupart de mes espérés lecteurs ou lectrices, je ne vis pas seul. J'ai près de moi une compagne. Vous vous trompez si vous pensez que je vais vous parler de son organe. Mais elle est bien au départ de ce que je vous raconte présentement (comme disent les africains francophones, voire, paraît-il, les canadiens franco-locuteurs). En effet il nous arrive, elle et moi, de lire de conserve chacun son ouvrage, en échangeant à l'occasion. "Tu sais ce que signifie des sœurs utérines", m'a-t-elle demandé un soir. Ayant une certaine pratique, non, gros malins que vous êtes, pas de l'utérus, mais de la généalogie, j'ai pu lui répondre qu'il s'agit de sœurs ayant la même mère (si elles sont vieilles : de mémères ayant eu la même mère), mais pas le même père. Sinon on dirait que ce sont des sœurs germaines, quel que soit leur prénom. Vous suivez ? Oui, alors je complique un peu. Comment dit-on alors si les sœurs en question (ou plutôt d'autres sœurs) ont le même père mais une mère différente ? Généralement le bon peuple les qualifie de "demi-sœurs". Une moitié, quoi, même si elles ne sont pas mariées. Ouais, je vous l'accorde, ce n'est pas génial comme expression. D'autant que les sœurs utérines sont aussi des "demi-sœurs". Juridiquement on ne fait pas les choses à moitié et on dit que ces sœurs sont consanguines. Quoi ? Ça voudrait dire qu'elles ont été transfusées avec le même sang ? Celui de leur père ? Bah non, évidemment, le "sang", c'est la lignée paternelle. Le masculin, qui naguère l'emportait sur le féminin. Ouh là, c'est chaud ! Ne vous énervez pas les filles ! On disait ça à l'époque, avant la révolution féministe. Moi, je prends mes distances et je précise que je ne suis évidemment pas d'accord. Inutile de sortir le pilori et les clous. Bref, imaginez l'embarras des mecs (les juristes) quand il a fallu définir la situation. Pour le cas "même mère" on avait choisi de faire référence à l'organe reproducteur, l'utérus, autrement dit, le ventre. Si on faisait la même chose pour le cas "même père" il faudrait faire référence à quoi ? La verge qui donnerait des sœurs "vergerines", "vergeturines" ? Ou encore les testicules qui donneraient des sœurs orchidines, ou bêtement testiculines (des sœurs couillonnes, c'est déjà pris). Pourquoi pas des sœurs spermatines tant qu'on y est ! Eh, les filles ! Vous avez d'autres idées ? Parce que tout de même, on ne va pas accepter plus longtemps de se faire contaminer par le "sang". Le coup du "consanguin" ça suffit ! La lignée agnatique, le "sang bleu", la noblesse, tout ça, cela t'a des relents de machisme, ça pue le paternalisme et la testostérone. Vive les cognats, à bas les agnats. Attention je n'ai pas écrit agnathes, ce qui signifierait sans-mâchoire. Les agnats n'ont pas la gueule de lamproie. D'autre part il serait inexact d'affirmer, même si l'un ne va pas sans l'autre, que les agnathes sont des "sans-dents". Cette dernière particularité se dirait plus savamment "anodontes", mais ce terme désigne plutôt une grosse moule deau douce, ce qui n'a évidemment rien à voir, même fortuitement, avec l'utérus des soeurs dont il est question ci-avant.
Trêve de discours, allons au but. J'attends vos propositions de remplacement de "consanguine" pour désigner des sœurs de même père, mais de mères différentes. Utilisez les commentaires sous ce texte. Mais ne déconnez pas (trop); c'est un projet sérieux. Je veux lancer une pétition pour supprimer les adjectifs inacceptables consanguin et consanguine des actes officiels. Encouragez-moi si vous pensez que mon combat est juste. Les gars peuvent s'y mettre aussi, parce que les adjectifs utérins, germains, consanguins, valent pour les frères également...
Post scriptum : l'histoire de la pétition, c'est bidon, bien sûr. ;)
Petit lexique pour résumer :
Le gars que je suis n’a pas (encore) d’idée pour solutionner cette question épineuse.
Pour ma généalogie, je mets les femmes et les hommes sur un pied d’égalité. Le biochimiste, quand il y met son grain, dirait même que l’utérin l’emporte car la transmission de l’ADN mitochondrial est exclusivement maternelle.
Si je me souviens bien (je n’ai pas vérifié), jusqu’au 18ème s., l’embryon ne pouvait provenir que de la semence paternelle, aussi le terme de “sœurs utérines” n’avait d’autre signification que celle d’avoir le même réceptacle pré-natal, une réduction depuis fort heureusement rejetée…
Ah oui, j’oubliais: j’ai une tante Germaine!
Très intéressant et instructif, cousin, mais je ne peux hélas pas trouver d’autres termes, mon cerveau n’étant pas assez évolué, mais cela m’intéresse de connaître les autres réponses, merci cousin.pour la réflexion.
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