Musique : quatuor à cordes no 15 de Beethoven
Tout le monde sait que Beethoven a écrit des symphonies, neuf pour être précis. Mais les personnes qui lisent mes pages ne sont pas “tout-le-monde". Elles constituent un public de “connaisseurs” qui, donc, connait, ou a le droit de connaître, des oeuvres plus rafinées de ce compositeur. Ce public d’exception appréciera sans doute d’en savoir un peu plus sur le quatuor à cordes en général et sur le quatuor numéro 15 de Beethoven en particulier. Raffinement supplémentaire, des liens vers les auditions des oeuvres et vers la biographie des auteurs cités viennent compléter et augmenter le texte original de mon cahier d’Histoire de la musique. Les noms des auteurs mènent sur Wikipédia et les titres des oeuvres conduisent sur Youtube (*). Pour voir la liste des chapitres : clic
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Dans son roman “Contrepoint“, Aldous Huxley dit du 3e mouvement du 15e quatuor à cordes de Beethoven : « …une musique sans passion, transparente, pure et cristalline, comme une mer tropicale, comme un lac alpin. De l’eau sur de l’eau, du calme glissant sur du calme, un accord d’horizons unis et d’espaces sans ondulations, un contrepoint de sérénités. »
Forme musicale
Le quatuor à cordes est formé des instruments suivant : un premier violon, un second violon, un alto et un violoncelle.
Le père du quatuor à cordes est Joseph Haydn qui en composa soixante-huit et auprès de qui Beethoven fut élève.
Un quatuor à cordes est composé comme une symphonie :
• 1er mouvement : allegro (comme un 1er mouvement de sonate)
• 2e mouvement : lent, dans le ton de la dominante (lied ou thème et variations)
• 3e mouvement : menuet ou scherzo
• 4e mouvement : rondo (ou 1er mouvement de sonate)
La différence entre le quatuor et la symphonie vient de l’esprit de la composition :
* nombre restreint d’instruments
* écriture plus rafinée, pour un public de connaisseurs.
Mais il y a loin entre le quatuor classique et celui de Beethoven, bien que ce dernier connaisse très bien la technique classique apprise du “père Haydn” lui-même.
Les quatuors à cordes de Beethoven
On compte seize quatuors à cordes dans l’oeuvre de Beethoven - ou dix-sept si on compte comme un quatuor la première version du final du treizième quatuor (la “Grande Fugue” (♬) remplacée par un final “plus classique” sur pression de l’éditeur)… La période de leur composition s’étend entre 1800 et 1825.
On peut distinguer trois courants à l’intérieur de l’oeuvre de Beethoven :
• jusqu’à 1803-1804 : classicisme hérité de Haydn
• entre 1804 et 1815 : romantisme, mais dans le respect du classicisme
• depuis 1815 jusqu’à la fin : romantisme.
Les derniers quatuors, qui ont été écrit durant la troisième période, celle également des cinq dernières sonates pour piano, de la Messe en Ré (♫) et de la neuvième symphonie (♬), sont vraiment révolutionnaires.
État psychologique de Beethoven
En 1814, le “tout Vienne” lui accorde ses plus grandes faveurs. Lors du Congrès de Vienne, qui réorganise l’Europe après la défaite de Napoléon 1er, Beethoven fréquente les plus “Grands". Mais il a bientôt des ennuis familiaux et il perd la faveur du public. Devenu complètement sourd, il conserve pourtant l’espoir…
Au début des années 1820, le prince mécène Nikolaï Galitzine commande trois quatuors à Beethoven. Ce dernier, d’enthousiasme, en écrit cinq (ou six, si on compte la “Grande Fugue"), les derniers…
Le XVe quatuor à cordes
ce quinzième quatuor de Beethoven ne respecte pas la forme classique. Il comporte cinq mouvements : 1. Allegro - 2. Scherzo - 3. Adagio puis Andante - 4. Allegro a la marcia - 5. Allegro appasionato (*)
• Le premier mouvement en La mineur, s’inspire de la forme Sonate. Il comporte deux thèmes : le premier en La m, vivace, et le second en Fa Majeur, plus mélodique. En dehors de ceci, il respecte assez peu la forme Sonate et est assez discontinu.
thèmes :
Audition : XVe quatuor ♫ premier mouvement (et la suite…) et son ♬ analyse graphique
• Le deuxième mouvement : au premier mouvement rapide succède un “Allegro ma non tanto” qui est un scherzo (assez lent). Dans le trio se confrontent * la musette (morceau qui rappelle le son de l’instrument “musette“) * le ländler (une valse assez proche de la tyrolienne) qui conservent un caractère pastoral.
thèmes :
Audition : XVe quatuor ♬ deuxième mouvement et son ♫ analyse graphique
• Le troisième mouvement : il est lent - Adagio puis Andante. Notation pour éclairer le sens : “hymne de reconnaissance à la divinité en mode lydien” (en Fa - sans Si b). Une phrase très longue fait penser à une phrase de choral (en 4/4). À la suite, l’Andante est en 3/8 et en Ré Majeur : “sentant une force nouvelle".
thèmes :
Audition : XVe quatuor ♫ troisième mouvement et son ♬ analyse graphique
• Le quatrième et le cinquième mouvements : en contraste avec ce qui précède, la marche, assez courte, en La Majeur. Puis on enchaîne sur une sorte de récitatif qui lui-même se poursuit par le rondo (Allegro) et le final en La mineur.
thèmes :
Audition : XVe quatuor ♫ quatrième et cinquième mouvements et leur ♬ analyse graphique
Si vous aimez l’aventure voici trois liens vers la “Große Fuge” (Grande Fugue), le deuxième pour une analyse graphique, le troisième pour une transcription pour piano à quatre main écrite par Beethoven à la fin de sa vie. Cette oeuvre était le final original du 13e quatuor à cordes. Elle a été retirée de ce 13e quatuor par Beethoven lui-même et remplacée par une pièce plus “classique", suivant ainsi le conseil de son éditeur et tirant la leçon de l’accueil mitigé de cette partie de l’oeuvre par le public viennois lors des premières interprétations :
Audition : 1. La Grande Fugue, par le quatuor Alban Berg (♬)
Audition : 2. La Grande Fugue, analyse graphique de la partition (♫)
Audition : 3. La Grande Fugue, transcription pour piano à 4 mains (♪).
Cette pièce, publiée seulement après la mort de Beethoven, était sans doute trop en avance sur son temps. Plus de cent trente ans plus tard, Igor Stravinsky la verra comme “une œuvre immortelle et à jamais contemporaine”.
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L’original aux feuilles jaunies par le temps (5 pages)
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À suivre… Carl Maria von Weber (1786-1826)
1 commentaire

On pourrait penser que, pour un grand compositeur, il serait plus facile d’écrire un quatuor qu’une symphonie. Le nombre qu’en a écrit Beethoven pourrait d’ailleurs le laisser penser. Mais c’est très faux. Une symphonie c’est long à construire, mais un quatuor est extrêmement difficile à composer.
Une preuve ? Prenons Johannes Brahms, qui s’y est essayé sans y parvenir: il nous a laissé de très beaux quintettes, mais tous les nombreux brouillons de quatuors qu’il a tenté d’écrire ont été détruits, parce qu’il en était insatisfait. Ceux de Beethoven lui donnaient envie à en pleurer…
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