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Passage de Vénus en 1874 - Mesure de la parallaxe
[La Nature, 1874 (1), pp. 53-55]
L'année 1874 est une date importante pour les astronomes du monde entier : au mois de décembre de cette année-là, Vénus passera sur le disque solaire. Ce phénomène, qui n'a pas eu lieu depuis 105 ans, ne se verra plus, après 1874, qu'en 1882, puis en 2004. II offre le moyen de connaître la parallaxe solaire à un demi-dixième de seconde près, et par conséquent de vérifier avec des notions sûres les distances mutuelles de tous les astres.
Un savant très connu et très populaire, M. J. Rambosson, vient de publier un magnifique ouvrage, intitulé Histoire des astres (1), où il donne de très curieux détails sur ce passage de Vénus si attendu et qui comptera parmi les évènements mémorables de notre siècle. Grâce à l'obligeance des éditeurs, nous pouvons reproduire pour nos lecteurs ces documents si intéressants et si clairement exposés.
« La gravure ci-contre représente le passage de Vénus sur le Soleil observé de trois points différents A, B, C. Au moment de son passage sur l'astre du jour, cette planète se trouve deux fois et demie environ plus près de nous que le Soleil. Sa parallaxe a donc une valeur très appréciable. Supposons que deux observateurs A et B soient placés aux extrémités d'un diamètre terrestre, faisons abstraction du mouvement de rotation de la terre, chacun d'eux pourra mesurer la corde qu'il voit décrire à la planète, soit en évaluant le temps du passage, car le mouvement angulaire étant parfaitement connu, le temps fournira l'espace parcouru. Les deux cordes partant de a, b étant déterminées, on en conclura facilement leur distance a b, puis, au moyen de deux triangles ayant la même base A b B et A a B, on trouvera que la distance des cordes vaut cinq fois le rayon de la terre. L'angle sous lequel on voit de la terre la distance a b vaut donc cinq fois l'angle sous lequel on verrait du Soleil le rayon terrestre, ou cinq fois la parallaxe solaire. Ainsi, en prenant le cinquième de la distance a b, on aura la parallaxe de l'astre. »
C'est Halley, un des grands astronomes de l'Angleterre et ami de Newton, qui indiqua le premier le moyen d'obtenir la parallaxe du Soleil, ou ssa distance à la terre par le passage de Vénus sur cet astre : « L'illustre astronome savait bien néanmoins, qu'il ne pourrait, selon toute probabilité, faire usage lui-même de sa méthode, et que depuis longtemps sans doute il aurait cessé de vivre (il était né en 1656) quand le moment serait venu. Il la recommandait pourtant avec bonnheur, se préoccupant bien plus d'être utile aux hommes après avoir disparu du milieu d'eux, que d'adresser de mélancoliques regrets à cette existence d'ici-bas, trop courte pour lui permettre de contempler le phénomène dont il avait le premier découvert l'importance. Touchante manifestation des instincts élevés que nous a donnés la Providence, qui nous font entrevoir un impérissable avenir succédant aux agitations éphémères de la vie (2). »
L'importance pour la science du passage de Vénus sur le Soleil a provoqué nombre d'observations et de voyages périlleux : « Poussé par cet héroïque dévouement au devoir, dont le nom de Halley rappelait au reste plus d'un glorieux exemple, ajoute le savant que nous venons de citer, les astronomes se répandirent à la surface du globe, afin d'observer les passages annoncés. L'un d'eux entre autres, Le Gentil de la Galaisière, parti de l'Inde, au mois de mars 1760, et paralysé par la guerre que nous soutenions alors contre les Anglais, eut le courage d'attendre à Pondichéry, pendant huit longues années, le passage de 1769, risquant ainsi sa position officielle à l'académie des sciences de Paris, où, faute de nouvelles sur son compte, on finit en effet par le remplacer; risquant aussi son patrimoine, qu'il avait confié à un dépositaire infidèle, des mains duquel il ne lui fut plus possible de l'arracher; et pour comble de chagrin, manquant entièrement le but de son inépuisable abnégation, puisque, après avoir pu seulement apercevoir, mais non observer du pont de son navire, le passage de 1761, il se trouva sous un ciel chargé de nuages qui lui cachèrent absolument le phénomène de 1769. »
« Déjà connu par un premier voyage en Sibérie lors du passage de 1761, l'abbé Chappe d'Auteroche, à son tour, s'en alla mourir de la fièvre jaune en Californie, le 1er août 1769, à l'âge de 41 ans, pour avoir voulu prolonger de 15 jours encore, sans grande utilité, il est vrai, son séjour au sein de l'épidémie, afin d'ajouter à son observation de l'éclipse de Vénus celle d'une éclipse de lune et de quelques autres occultations. »
« Nombre de savants s'engagèrent également jusqu'aux limites habitables du continent européen pour procéder à cette observation. Tant d'efforts ne restèrent pas infructueux, et l'on connut enfin, avec une précision presque parfaite, l'unité des longueurs célestes, la véritable distance de la terre au Soleil, précision qui ne tardera pas d'ailleurs à être vérifiée dans les prochains passages de 1874 et de 1882. » (suite page 2)
- (1) Histoire des astres illustrée, ou Astronomie pour tous, par J. Rambosson.— Ouvrage illustré de 63 gravures sur bois, de 3 cartes célestes et de 10 planches en couleur. — Paris. Firmin-Didot frères, fils et Co, 1874.
- (2) Petit, Traité d'astronomie.
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