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Face à la tour Eiffel mon ADSL patine à 0.5 Mb/s

Le 17 Déc 2011 par Jac Lou Réagir » Partage » Partagez cet article sur Facebook

Pour qui t'as de l'antipathie (les gentils)
Pour qui t'as un gros penchant (les méchants)
(*)

Derrière chez moi, devinez quoi qui n'y a ? Il y a une tour, la plus belle des tours ... Eiffel. Si je monte sur le toit de ma maison, je vois le troisième étage de cette Tour Eiffel, les bâtiments qui se sont construits au sud de chez moi me dissimulant le reste... Bon, vous imaginez bien que, aussi grande que soit mon admiration pour la vieille dame de Paris, je ne fais pas cela tous les jours. Mais il me suffit de faire une centaine de mètres en remontant la route de Pontoise pour que mon horizon sud soit de nouveau ponctué par la chose verticale, sorte de doigt d'honneur à ceux qui habitent au delà du périphérique :) Si je parle de doigt d'honneur qui me serait fait, à moi qui n'habite pas Paris, c'est que la Tour Eiffel, le plus grand émetteur de France avec ses 300 m de hauteur, me nargue et que je suis très énervé. La raison de ma mauvaise humeur est la persistance de la fracture numérique - entre autres fractures - entre les "nantis" (les gentils) de la capitale, qui vivent autour de leur totem Tour Eiffel, et les "bannis" (les méchants) qui habitent au delà des "barrières" comme on disait au 19ème siècle. Car, bien qu'elles soient devenues immatérielles, donc invisibles, les barrières séculaires de Paris ne sont pas tombées ! Pour ce qui me concerne, il s'agirait de la Barrière de l'Étoile.

Un plafond sous la Toile. L'objet de ma mauvaise humeur est dans le titre : mon ADSL plafonne à 0.5 Mb/s (cinq cents kilo bits, ou encore cinq cent mille bits, par seconde), c'est à dire au mieux à moins de 70 ko/s (kilo octets par seconde) puisque 1 octet contient 8 bits d'information (ceci est une approximation, car il faut plus de 8 bits pour transmettre un octet). Et encore, quand on parle du débit de l'ADSL, ne donne-t-on en général, comme je viens de le faire, que le nombre le plus élevé, le plus flatteur pour les marchands de connexion. Le "A" de ADSL veut dire "asymétrique". En clair, cela signifie que ma liaison au reste du monde par l'Internet se fait à des vitesses différentes selon que je reçois ou que j'envoie des informations. C'est dans la logique de la société des marchands dans laquelle nous vivons : je suis censé comsommer et non produire des informations... En réception (on dit dans le sens "descendant") je "bénéficie" effectivement en moyenne du demi-méga bits annoncé plus haut, mais cela peut encore se dégrader. Quand j'obtiens l'intervention d'un technicien Orange, je peux transitoirement naviguer à un peu plus de 1Mb/s. Mais en émission (on parle du sens "montant"), là ça va encore moins bien car l'asymétrie se manifeste et je n'ai droit qu'à un pauvre 160 kb/s, soit au mieux à une dizaine de kilo octets par seconde.

M.o. et moi et moi. Au delà du simple refus de l'inacceptable discrimination, ségrégation, relégation, inégalité de traitement, dont nous autres les "bannis" (les méchants) faisons l'objet, voici des exemples qui illustreront la frustration qui est la mienne, sans aucun doute partagée par tous mes semblables, dans certaines circonstances de ma vie sur la Toile.

Premier exemple, réception : je veux acheter en ligne un logiciel. Celui-ci tiendrait sur un simple CD et "pèse" donc environ 435 Mo, soit 445.000 ko (à peu près, car les "kilo" en informatique ne valent pas 1000 unités !). Si j'ai de la chance, ma liaison sera maintenue à environ 100 ko/s pendant tout le téléchargement et il me faudra donc attendre 445.000 ko que divise 100 ko/s soit 4450 s. Oui, c'est bien ça : quatre mille quatre cent cinquante secondes; autrement dit 77 minutes ou encore une heure et dix-sept minutes (sur la capture ci-dessus, l'estimation faite en début de chargement est un peu optimiste). Pendant tout ce temps ma connexion sera mobilisée et les autres membres de la famille râleront car... qui ne pourra plus écouter de la musique (payante, bien sûr) en streaming ou qui ne pourra pas parcourir un site de vente de livres en ligne. Le partage de la ligne ADSL entre plusieurs appareils (PC ou mobiles) n'est donc pas possible en pratique avec l'ADSL à moins de 1 Mb/s. D'autre part, comme je mobilise le serveur à partir duquel je télécharge pendant près d'une heure et demi, il y a un risque que ce serveur me déconnecte dans l'intervalle, et tout serait à recommencer... Je ne vous parle pas du cas où les fichiers à récupérer auraient le volume d'un DVD, ni de la télévision par l'Internet tout simplement impossible. Et je vous passe la galère que constitue une mise à jour de Windows (tm).

Second exemple, émission : je veux envoyer à un membre de ma famille un message (Mél) contenant une photo sortie de mon appareil numérique (voir ce que je pense des appareils numériques compacts -clic-). La photo "pèse" environ 3 Mo, soit 3000 ko. Pour que le message quitte ma boîte d'envoi, il faudra donc 3000 ko que divise 10 ko/s soit 300 secondes, c'est à dire 5 minutes pleines. Il vaut mieux que je n'aie pas trop d'images à envoyer, sinon ma boîte va devoir rester connectée un bon moment. Envoyer l'équivalent d'un CD chez un hébergeur distant mobiliserait ma connexion montante pendant près de 18 heures. On voit que la sauvegarde de mes photos ou de mes documents dans le "Cloud", c'est à dire sur des serveurs répartis sur la Toile, m'est en pratique interdite, alors que cela tend à devenir indispensable, voire incontournable.

Bon d'accord, je ne suis pas le plus mal loti. Il y a pire dans nos campagnes. Il y a les oubliés de l'ADSL, ceux chez qui même les 56k d'une connexion 3G minable serait un bonheur, si ce n'était son prix. Mais reconnaissez que ne pas pouvoir obtenir mieux que le demi-Mb/s de base à seulement quelques kilomètres de La Défense, aux portes de la capitale, est tout simplement une bizarrerie incroyable ! Pourquoi ce régime de défaveur pour moi-même et mes frères au ban de la société numérique ? L'explication est à rechercher dans les choix économiques de France-Telecom. Construire un central téléphonique pour les habitants des trois-quarts de notre "petite" ville ouvrière (plus de 25000 habitants tout de même) était inenvisageable, mais rassurez-vous, on l'a fait pour les entreprises du bord de Seine. On nous a donc reliés à un central situé dans la grande ville voisine à plus de 5km de distance. D'où l'impossibilité d'obtenir une connexion dépassant 1 Mb/s dans le meilleur des cas, à cause de l'affaiblissement trop important du signal sur une aussi grande distance. Le plus rageant dans mon cas, c'est que derrière chez moi, devinez quoi qui n'y a ? Y a une connexion, la plus belle des connexions. Les voisins de la rue parallèle, à 40m de chez moi, reliés à un central plus récent et plus proche (pour servir les entreprises), bénéficient d'un débit six à dix fois supérieur. L'inégalité de traitement des citoyens est flagrante.

Parlez moi de fibre et j'vous fous mon poing sur la gueule, sauf le respect que je vous dois (*).
Imaginez ce que je pense de ces "pauvres" parisiens ou autres habitants "nantis" des grandes villes (les gentils) quand ils se plaignent - ou quand de bonnes âmes de journalistes les plaignent - de la lenteur de l'arrivée de la fibre optique jusqu'à leur appartement ! Et si on nous plaignait aussi, nous, les exclus, les "bannis" (les méchants), de la lenteur du remplacement des câbles de cuivre de 4/10 par du 6/10, opération qui permettrait d'augmenter la portée de l'ADSL à débit égal et donc peut-être d'augmenter le débit à distance égale ? Et si on parlait de l'éventualité d'installer de nouveaux centraux moins éloignés des usagers ?

Si avec tous les renseignements que j'ai donnés plus haut, vous ne parvenez pas à localiser l'endroit où j'habite, c'est que vous ne savez pas vous servir de Google-Maps ! Je ne suis pas seul à vivre dans la frustration, puisque, comme déjà dit plus haut, les habitants des trois-quarts de la surface de ma ville y sont sans doute soumis comme moi. De quel pouvoir disposons-nous pour faire en sorte que notre raccordement au réseau des réseaux soit à la hauteur de nos attentes ? Les municipalités ont-elles une part de responsabilité ? Y a-t-il un droit à l'égalité de l'accès à l'Internet en France, en Europe ? Si vous avez des informations en relation avec ces questions, n'hésitez pas à réagir à ce billet.

PS Vous aurez peut-être remarqué qu'il y a un mot que je me refuse à employer : j'habite une "petite ville près de Paris"... et pas un "lieu" en marge ou "au ban" de la grande ville :)

PPS Depuis la rédaction de ce billet, les choses se sont temporairement très légèrement améliorées. En 2013, ma connexion est passée à 1,5 Méga bits par seconde en moyenne. Ce n'était pas encore le "très haut débit" que j'espère qui me permettrait, par exemple, de voir des films sur le Net ou d'accéder au stockage en ligne. Hélas, cette embellie n'a pas duré. Aujourd'hui (en 2017, id. en 2018), malgré des "signalements" auprès du FAI, le débit moyen est en dessous de 700 kb/s (soit moins de 80 ko/s). Pour moi et mes concitoyens, il y a des nuages sur le "Cloud".

PPPS en 2021, enfin, la fibre optique est arrivée jusqu'à chez moi. Elle a cheminé "en aérien" en remplacement des fils du téléphone. Je vous confirme que le débit officiel de ma laison affiché à 1,3 Giga bits par seconde - soit près de 2000 fois plus rapide que mon ADSL d'antan - c'est incontestablement plus confortable.