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2015, année de la philosophie
Le 7 Jan 2015 par Jac Lou • Réagir (2) » • ∞ Partage »Massacre de la rédaction de Charlie-Hebdo : mais qu'est-ce qu'attend le gouvernement pour réagir ? Je n'sais pas, moi : une taxe sur les kalachnikov, un rapport sur les extrémistes, une commission pour préparer une concertation sur le terrorisme...
L'année avait pourtant bien commencé. J'avais survécu au réveillon du nouvel an malgré plusieurs tentatives d'empoisonnement au foie gras. J'étais revenu sain et sauf d'une expédition hivernale dans les montagnes enneigées et hostiles de Saint-Gervais-les-Bains. C'est vrai que j'avais été particulièrement prudent en évitant les endroits envahis pas les adeptes de la secte de ceux qui se mettent des bouts de bois sous les pieds. Mais ce mercredi 7 janvier 2015, des cons malfaisants ont tout gâché en assassinant les personnes présentes à la conférence de rédaction du journal satirique "Charlie Hebdo". Je ne connaissais pas personnellement les journalistes et dessinateurs de ce journal, mais je connaissais leurs articles, leurs formules choc, leurs caricatures. Ils ont nourri ma culture contestataire. Ils ont contribué à former ma personnalité critique. Ils m'ont maintes fois réjoui. Ils sont en moi. Donc, en fait, tant que je serai moi-même vivant, ils ne seront pas morts. Les cons cités plus haut qui ont cru les tuer se sont donc plantés.
À ce moment de ma réflexion sur les événements du 7 janvier et sur ce qui y a conduit, il me vient à l'esprit ce qu'écrivait Michel Eyquem dit Montaigne - pour moi le plus grand des philosophes français - "philosopher, c'est apprendre à mourir". Il me faut sans doute expliquer ce qui m'amène à cette pensée. Les abrutis qui se sont donné le droit d'assassiner au prétexte qu'ils croient en un dieu et que ce dernier aurait été insulté par des dessins, sont animés en partie par la peur de mourir. Cette affirmation va vous sembler paradoxale voire même contraire à la réalité objective, puisque ces décervelés ont tout fait pour être tués par la police. De plus, vous allez penser in petto que tous les humains ont peur de mourir et que, donc, les demeurés déjà cités ne forment pas une catégorie à ce titre. Certes, vous avez raison, mais tous les humains ne conjurent pas la peur de mourir de la même façon. Les crétins en question croyaient que leur action assassine, supposée plaire à leur dieu, leur permettrait de ne pas mourir vraiment, parce qu'elle leur ouvrirait en récompense les portes d'une autre vie au delà de la mort. Lisez bien, je n'ai pas écrit que tous ceux qui imaginent qu'il existe un paradis ou un enfer, où une partie hypothétique de leur être aboutirait après la mort de leur corps, sont des crétins. Pas d'amalgame, comme on le répète beaucoup ces temps-ci.
Ce qui fait que les assassins stupides dont nous parlons sont des crétins c'est qu'ils ont cru qu'on peut empêcher les humains de penser en les terrorisant. Ça ne marche pas - en tous cas sur ceux qui restent en vie. Penser, penser librement, philosopher, est une autre façon de conjurer la mort. Je n'aurai pas peur de mourir, parce que j'y aurai réfléchi. Je saurai que j'appartiens à la chaîne de la vie sur Terre, jusqu'à ce que la vie elle-même éventuellement disparaisse de cette portion d'Univers. Mais ce n'est pas triste, c'est inéluctable. Je n'aurai pas besoin de la béquille d'un dieu pour me rassurer ou me consoler. Je survivrai peut-être quelques temps après ma mort dans les pensées de ceux que j'aurai aimés ou qui m'auront aimé ou grâce aux quelques graines de pensée que j'aurai réussi à semer dans l'esprit de ceux que j'aurai rencontrés ou des inconnus qui m'auront lu ici-même. Philosopher, si cela n'aide pas à ne pas mourir, cela aide à vivre. Je pense donc je suis. Philosophons donc et enseignons la philosophie.
Tableau de Pierre-Antoine Demachy.
Un sujet de réflexion pour passer à la pratique : peut-être l'idée révolutionnaire du "culte de la raison" (clic) des hébertiste athées était-elle une bonne idée ?
À Jean Cabut, le Grand Duduche, à Georges Wolinski, l'amateur de culs, à Bernard Maris, avec qui j'étais si souvent d'accord le vendredi matin sur la radio France-Inter, à tous les autres que je connaissais moins ou pas vraiment ou pas du tout, Frédéric Boisseau, Franck Brinsolaro, Ahmed Merabet, Stéphane Charbonnier dit Charb, Philippe Honoré dit Honoré, Elsa Cayat, Mustapha Ourad, Michel Renaud, Bernard Verlhac dit Tignous, à tous les anonymes tombés sous des balles des crétins.