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NON au cinéma 3D avec lunettes !
Le 17 Avr 2013 par Jac Lou • Réagir » • ∞ Partage »Handicap. Je n'ai aucune difficulté à parler de mon handicap. Je serais roi au royaume des aveugles. Je suis atteint de borgnitude. Vous allez penser que c'est ce qui me fait voir d'un mauvais œil - non, pas celui qui ne marche pas, l'autre - le développement des images 3D dans les mondes de la photo et du cinéma. Vous aurez raison ! Un de mes plus anciens mauvais souvenirs est lié à une séance de cinéma en relief. C'était dans les années 1953-55. Pour les fêtes de fin d'année, à moins que ce fut à la fin de l'année scolaire - qui avait lieu vers le 14 juillet à cette époque - la municipalité avait loué la salle du cinéma "Le Palace" pour offrir une séance de cinéma en relief aux élèves des classes primaires. Il s'agissait d'une projection anaglyphique, c'est à dire de deux images superposées respectivement de couleur rouge, pour l’œil gauche, et bleu-vert pour l’œil droit, qu'on visionnait à l'aide de lunette aux "verres" de couleur correspondante. Avec mon œil gauche, le seul valide, je n'y ai donc vu que du rouge ! J'ai bien essayé de mettre les lunettes à l'envers, mais de voir tout en vert ne résolvait pas le problème... Une heure et demie de projection plus tard, j'avais une bonne migraine et une envie de vomir. Je me souviens encore de la gêne des instituteurs. Mais l'objet de mon propos n'est pas mon cas personnel; il est plus général. Lisez la suite.
Une pseudo 3D. Le principe de cette "3D" repose sur la superposition dans une seule image de deux prises de vue faites avec un décalage latéral correspondant plus ou moins à l'écartement des yeux. La restitution d'une sensation de relief nécessite l'utilisation de lunettes spéciales dont chaque verre ne laisse passer qu'une des deux images vers l’œil correspondant. Dans les années 2000, les verres ne sont pas de couleur différente comme dans les années 1950, mais plutôt de polarisation différente. Les lunettes sont éventuellement "actives", c'est à dire commandées par l'écran de télévision. La perception du relief repose quant à elle sur cette merveilleuse faculté que possède notre cerveau de recombiner les images légèrement différentes fournies par les deux yeux pour "fabriquer" une sensation de troisième dimension. La limite de cette pseudo 3D est le point de vue unique dépendant de la position des caméras. Si le spectateur se penche à droite ou à gauche, il ne verra pas mieux les éléments d'arrière plan... Une autre limite fondamentale est que si le spectateur n'a qu'un seul œil fonctionnel il ne perçoit qu'une image, et donc il ne peut pas avoir de sensation de relief (évidence relative, comme je le préciserai plus loin).
Le handicapé visuel qui ferait l'erreur d'entrer dans une salle où un film 3D est projeté, ne pourrait pas se passer de chausser les inconfortables lunettes bien que leur fonction soit alors inutile. Sans les lunettes en effet, le spectateur voit une image floue faite de la superposition des deux images légèrement différentes.
Quand je me considère, je me désole. Quand je me compare, je me console. Eh oui, si le malheur des autres ne fait pas mon bonheur, je dois bien reconnaître qu'il contribue à ce que je me sente moins isolé dans ma vision monoculaire des choses. En effet, les personnes qui ne jouissent pas d'une bonne vision binoculaire sont légion. Mise à part la pure et simple défaillance d'un des deux yeux, comme c'est mon cas, les causes d'une mauvaise vision du relief sont multiples. La proportion de la population atteinte par ce handicap varie selon les auteurs mais s'établit généralement aux environs ou au delà de 30 %. Les valeurs suivantes, concernant les seules causes ayant pour origine un mauvais contrôle des muscles oculaires, sont prises dans le cours de M R. Derhy, "Anomalies de Vision Binoculaire", Licence Optique, Université de Strasbourg - Année 2011-2012.
- Insuffisance de convergence [?]: environ 7% de la population
- Excès de convergence [?]: environ 7% de la population
- phorie verticale [?]: environ 20% de la population.
Une personne sur trois (au moins). Le lecteur attentif qui sait compter jusqu'à cent, aura vu que le cumul des valeurs rapportées ci-dessus, atteint 34%. Il est à noter que les phories ne provoquant pas de gêne ou une gêne minime sont encore plus fréquentes. Jusqu'à 75% de la population en est atteinte. Toutefois, dans une situation de fatigue - ce qui peut être le cas d'une séance de cinéma 3D de deux heures ou plus - la gêne peut augmenter, provoquant un certain inconfort pouvant aller jusqu'à des "maux de têtes", des "yeux qui piquent", des "yeux qui tirent", des "douleurs derrière les yeux", et une perte de la vision binoculaire avec éventuellement un épisode diplopique (vision d'images doubles). À cet égard, il est instructif de lire l'avertissement de Sony (clic) dans ses notices à propos de la visualisation d'images 3D. Les anomalies des fonctions motrices oculaires ne sont en outre qu'une partie des causes possibles. Il faut y ajouter les défauts de vision mal compensés, comme une mise au point non identique des deux yeux ou un astigmatisme d'un seul œil. Au total, je peux attester que, du temps où j'enseignais encore la géologie, une moitié de mes élèves de 4ème se révélaient incapables de voir le relief à partir d'un couple de photos stéréoscopique des volcans d'Auvergne (I.G.N.).
Voir la 3D d'un seul œil. Heureusement, dans la vie courante, la perception du relief ne dépend pas seulement de la vision binoculaire. J'ai lu pas mal d'inepties sur la question, aussi je crois devoir apporter quelques vérités. Notre cerveau utilise d'autres indices que la combinaison des images des deux yeux pour reconstituer la profondeur. D'abord, il voit quand un objet en cache partiellement un autre et il sait en déduire quel objet est en avant. Ensuite, il apprend, avec l'expérience, la taille relative des objets et des éléments de paysage. Cela lui permet d'estimer une distance pour chacun des objets d'une scène (on peut alors le tromper avec des objets "hors norme", mais c'est vrai aussi quand on a deux yeux fonctionnels). Ces deux séries d'indices font partie des images même en 2D.
En outre, notre cerveau utilise également les différences d'accommodation nécessaires pour voir net les différents plans de la scène. Enfin la tête et les yeux ne sont jamais immobiles et leurs mouvements entraînent des changements dans les déformations optiques de l'image entre le centre et les bords du champ visuel. Ces déformations de l'image et leurs changements sont des indices supplémentaires pour la reconstruction 3D de l'espace [?]. Par la même occasion notre cerveau corrige les déformations décelées, ce qui fait que les perspectives de l'image de l'ordinateur avec lequel vous lisez ce texte ne changent pas quand vous bougez la tête ou les yeux. Cela reste vrai avec si vous n'avez qu'un seul oeil fonctionnel. Ces derniers indices, différences d'accommodation et différences dans les perspectives lors des mouvements oculaires, sont absents de la 2D et de la 3D par images doubles. En revanche il sont présents dans les images holographiques. L'holographie, voilà une solution qui satisferait le plus grand nombre !
Non à la 3D par images doubles ! La technique choisie pour les débuts de la 3D a pour conséquence de créer un nouveau handicap, ou en tous cas de révéler un handicap masqué, chez un bon tiers de la population. Vous conviendrez avec moi que ce n'est pas acceptable. Cela explique sans doute en outre le médiocre succès des films en 3D. Alors je dis NON à la 3D par images doubles et lunettes. Les personnes abandonnées sur la bas côté de la route de la 3D sont trop nombreuses. Quel dommage que les jeunes et brillants ingénieurs de Stereolabs perdent du temps à "améliorer" la 3D par doubles images... Je milite pour des images en vrai relief utilisant par exemple un procédé holographique. Certains, comme David Fattal, sont sur la bonne voie [1] [2]. Allons, mes chers scientifiques, chercheurs, ingénieurs et techniciens, encore un effort... Faites vite, j'aimerais voir ça avant que mon compteur de temps soit à zéro (référence au film "Time Out").
Peut on voir un film en 3d avec un seul œil ? C'est une des questions posées aux moteurs de recherche qui amène le lecteur jusqu'à ce billet. Bien qu'on puisse trouver la réponse par soi-même en lisant le billet, je pense utile de confirmer que OUI on peut voir le film - à condition d'utiliser les lunettes adéquates avec l'inconfort en résultant - mais que NON on ne verra pas la 3D. En revanche, je confirme que, dans la vie courante, un seul œil suffit pour avoir une certaine notion du relief, différente, certes, de celle résultant de la vision binoculaire (avec les deux yeux), mais tout de même appréciable.